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Visibrain évincée du SIG par un concurrent étranger : les coulisses de la crise et les enjeux de souveraineté numérique avec Nicolas Huguenin

En quelques semaines, Visibrain, acteur clé de la veille numérique en France, a vu s’envoler un contrat stratégique avec l’État au profit d’un concurrent étranger. Une décision qui ne se limite pas à un simple revers commercial : elle met en lumière des enjeux bien plus vastes, mêlant souveraineté numérique, sécurité nationale et avenir de la tech française.

Ce mois-ci, pour notre rubrique « Rencontres insolites », nous avons échangé avec Nicolas Huguenin, fondateur de Visibrain, dont nous suivons le parcours depuis 2011 et dont la solution de veille est aujourd’hui reconnue comme l’une des plus performantes dans le domaine de la gestion de crise. Il nous fait plonger dans les secrets de cette crise.

Le choc d’une décision

Depuis plus de dix ans, la plateforme Visibrain accompagne le Service d’Information du Gouvernement (SIG) dans la surveillance des réseaux sociaux. Mais il y a quelques semaines, une décision administrative est venue bouleverser cet équilibre.

Tout commence par un appel d’offres public. Rien d’inhabituel pour Visibrain, rodée à cet exercice. Pourtant, cette fois, la mécanique se grippe.

« On avait la note technique la plus élevée. On coche 100 % du cahier des charges», explique Nicolas Huguenin.

Malgré cela, Visibrain est écartée. Le contrat part chez un concurrent étranger, à un prix « cinq fois moins cher». Pour M. Huguenin, ce n’est pas seulement une défaite commerciale. C’est le début d’une cascade d’interrogations.

« On ne comprend pas. Les utilisateurs des ministères ne comprennent pas. La presse ne comprend pas. Les politiques, y compris, ne comprennent pas non plus.»

Bien plus qu’une question de prix

Au-delà du choc financier, l’affaire soulève une question cruciale : celle de la souveraineté numérique.

« La maîtrise de l’information, c’est aussi la capacité qu’un État a de faire passer ses idées, voire à déstabiliser d’autres pays.»

Pour Nicolas Huguenin, le risque est double. D’une part, il concerne la sécurité nationale : confier à un acteur extra-européen l’accès à des informations sensibles pourrait exposer la France à des ingérences étrangères.

« C’est potentiellement exposer l’ensemble des sujets sensibles, qui ne sont pas encore publics, à des entités étrangères.»

Ces sujets sensibles peuvent être liés à la défense, à la sécurité intérieure, ou à des crises en préparation, encore non révélées au public.

D’autre part, il pointe le danger moins visible mais tout aussi stratégique de la manipulation algorithmique.

« La vraie sensibilité du sujet, c’est ce qu’ils font dans l’outil, pas le fait qu’un tweet soit public ou pas.»

Ce que le fondateur évoque ici, c’est la capacité d’un fournisseur étranger à orienter discrètement les informations visibles ou invisibles pour l’utilisateur.

« On pourrait déformer ou minimiser des informations sensibles. Le problème, c’est que si ça arrive, on ne le saura pas.»

L’inquiétude est que, dans un contexte de tensions géopolitiques et de guerre informationnelle, une telle influence pourrait servir à affaiblir la cohésion sociale ou à déstabiliser des institutions.

« On parle beaucoup de lutte informationnelle, de campagnes de désinformation.»

Une faille technique qui inquiète

La décision du SIG entraîne également des conséquences opérationnelles. L’outil retenu ne couvre pas certains réseaux sociaux essentiels dont TikTok, Telegram et LinkedIn.

Or, ces plateformes sont devenues des terrains majeurs de désinformation et de crises. Pour ces ministères ou agences, la seule alternative serait de lancer leurs propres marchés publics ou, faute de mieux, de réaliser la veille manuellement, ce qui affaiblirait considérablement la réactivité en cas de crise.

« C’est ça ou elles devront faire de la veille à la main.»

Le futur de Visibrain

Malgré le coup dur, Visibrain ne baisse pas les bras et continue à ralier les souiens politiques, à l’instar du député Loïc Kervran ou la sénatrice Vanina Paoli-Gagin. Pour lui, cette crise a au moins eu le mérite de mettre en lumière un point essentiel : «Ça a permis de clarifier que nous sommes le seul acteur français souverain dans notre domaine.»

Pour l’instant, l’avenir reste incertain, le SIG n’ayant donné aucune explication détaillée. Mais Nicolas Huguenin reste convaincu que, dans un monde où la guerre de l’information fait rage, la souveraineté numérique est un enjeu stratégique majeur : « J’aurais préféré ne pas avoir de pub et remporter le marché que l’inverse. Mais effectivement, on se contentera de ça, à défaut d’avoir le choix.» Dans ce bras de fer entre logique économique et sécurité nationale, Visibrain entend continuer à défendre la place de la technologie française dans la protection des données sensibles.

#Boycott : Le défi des marques face à la colère des consommateurs

Le boycott est devenu un levier citoyen, fréquemment utilisé par des consommateurs pour exprimer un désaccord profond avec des politiques d’entreprises ou d’États.  

C’est dans ce contexte qu’est né l’hashtag #BoycottUSA, symbole d’une défiance croissante envers les marques américaines. Le déclencheur ? Les décisions du président Trump, entre hausses des droits de douane, propos polémiques sur la diversité en entreprise, et prises de position internationales contestées.  

Un sondage Ifop de mars 2025 révèle que 

  • 62 % des Français soutiennent activement l’idée de boycotter les produits américains. 
  • 1/3 déclarent déjà pratiquer ce boycott. 
  • Les plus cibles Coca-Cola, McDonald’s, KFC, Tesla et Starbucks. 

Face à la montée des appels au boycott, les réactions des entreprises varient. Voici deux exemples qui montrent, à travers des approches opposées, ce qui peut faire la différence. 

 Nestlé & KitKat : Quand la réponse aggrave la crise 

En mars 2010, Nestlé est confrontée à une campagne de boycott lancée par Greenpeace. L’ONG accuse la marque d’utiliser de l’huile de palme liée à la déforestation pour fabriquer ses barres KitKat. Une vidéo-choc devient virale. Très vite, les internautes envahissent la page Facebook de la marque, détournant son logo en “Killer”. 

La réaction de Nestlé est immédiate… mais inappropriée. Le community manager supprime les commentaires et bannit les avatars détournés, tout en répondant sèchement : « C’est notre page, nous décidons des règles. » Ce ton autoritaire transforme une crise écologique en crise de communication. 

Résultat : les critiques explosent, la presse s’empare de l’affaire, les ventes chutent. Il faudra des mois à Nestlé pour réparer les dégâts, changer de fournisseur et regagner la confiance perdue. Une illustration parfaite d’un boycott aggravé par une réponse mal calibrée. 

Häagen-Dazs : La recette gagnante pour retourner un boycott 

Au printemps 2025, en pleine montée du mouvement #BoycottUSA, Häagen-Dazs est pointée du doigt sur les réseaux sociaux, du fait de ses origines américaines. Pourtant, ses glaces destinées au marché français sont fabriquées localement, à Arras, dans le Pas-de-Calais. 

L’entreprise réagit dans les 24 heures avec un message vidéo du directeur général France. Il y rappelle calmement que les produits sont fabriqués en France depuis 1992, avec du lait issu de filières locales. Ce message n’est pas isolé : il s’inscrit dans une stratégie multicanal cohérente et territorialisée. 

Une campagne baptisée « From Pas-de-Calais with love » est lancée sur les réseaux. Des stickers “Fabriqué dans les Hauts-de-France” sont ajoutés sur les pots. Un QR code mène à une visite virtuelle de l’usine. Des employés prennent la parole lors d’un livestream interactif, tandis que des animations dégustation sont organisées dans les grandes surfaces, en présence d’agriculteurs partenaires. 

Cette stratégie fondée sur la transparence, la preuve locale et l’humilité porte ses fruits : en trois semaines, l’intention de boycott chute de 28 % à 11 %, alors que d’autres marques américaines voient leurs ventes reculer jusqu’à –15 %. Häagen-Dazs réussit à se dissocier symboliquement du “bloc américain” en incarnant une image de proximité. 

Boycott : 5 réflexes clés pour éviter la catastrophe 

Analyser avant d’agir → Parfois, le silence est plus stratégique qu’une réponse précipitée. Mesurer l’ampleur réelle du boycott avant de décider. 

Être transparent si nécessaire → Si la crise enfle, clarifier ses pratiques et corriger les idées reçues. 

S’appuyer sur des tiers crédibles → Faire intervenir partenaires, salariés ou experts pour défendre la marque de façon plus neutre. 

Adapter son message localement → Valoriser ses ancrages locaux pour réduire la dimension géopolitique du boycott. 

Dialoguer sans censurer → Ne pas supprimer les critiques sans raison, mais garder un ton posé et respectueux. 

E&HA
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